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Petit guide d’insurrection à l’intention des hommes qui ne veulent pas céder à la critique de leur âge

 
L’andropause n’existe pas, il a fallu l’inventer. Les échéances physiologiques de la cinquantaine masculine ne sont pas comparables à ce qu'il advient aux femmes, mais l'idée d'une "solidarité civique", d'une "parité" dans la fatalité du vieillissement a trouvé son public… et ses marchands : la médecine donne bonne conscience aux industriels de l'utopie anti-âge…
Rien de convenable scientifiquement parlant ne permet de quantifier, et encore moins de pressentir, l’incidence de la cinquantaine sur l’état de santé physique et mentale des hommes occidentaux. Les valeureux dosages hormonaux échouent sur la grève des idées reçues : s’il se passe « quelque chose » du côté des médiateurs endocriniens du vieillissement masculin, nos techniques d’investigation sont encore trop imparfaites pour l’identifier. Les explorations d’ordre neurobiologiques ne sont pas plus convaincantes pour apprécier l’état des pertes d’acuité sensorielle ou des performances intellectuelles.
De surcroît, faisant office de marqueur de l’allongement de l’espérance de vie en milieu urbain économiquement favorisé, la « qualité de vie » de l’homme de 50 ans est sensiblement analogue à celle des juniors : les représentations sociales de l’âge mûr incluent désormais les quinquagénaires, que la chance a su préserver des maladies et des séquelles de l’enlaidissement.

Alors, que viennent tenter d’interdire les consignes de médecine préventive ? Quelle compassion s’exerce dans le monde du travail, lorsque l’inégalité des chances de reclassement professionnel est patente au-delà de la quarantaine ? Enfin et surtout, à propos de la vie privée, quelles observations fiables ont démontré que la fonction érotique s’essoufflait à la cinquantaine ?
S’agit-il donc bien ici d’aligner sur la notion de ménopause - grand pourvoyeur de discours et de zèle médicaux - une tranche d’existence masculine qui lui ferait écho, comme par courtoisie à l’égard de leur compagne du même âge ? Non, car dans les pays en voie de développement l’andropause n’existe pas. L’andropause est un concept socioculturel, dont l’usage essentiel est d’ordre économique : encourager indirectement les jeunes générations à entrer dans la vie active, y espérer des lauriers et des subsides rapidement, en diminuant la compétitivité de leurs aînés. L’avancement de l’âge de la retraite participe de façon tout à fait explicite à cette « relève » précoce. Mais alors, pourquoi faire de l’andropause une question de santé publique ? A qui profite la médicalisation de ces noces d’or de l’existence ? A vrai dire, du point de vue strictement clinique, hélas, l’âge critique est un âge ingrat : celui des premières échéances, des premiers déboires. Si l’atténuation normale des forces physiques et intellectuelles ne débouche, dans l’état actuel de nos connaissances, sur aucune évaluation sémiologique, le déclin de l’état général peut être accéléré par des suites postopératoires moins bien tolérées, des traitements vasoactifs ou psychiatriques aux effets iatrogènes moins bien combattus, par exemple... à quoi s’ajoutent les premières alertes d’ordre cardio-vasculaire, ou l’ascension de la courbe de diagnostic précoce des cancers : la médecine met le demi-siècle masculin en liberté surveillée.
Et la sexualité, comme on dit pudiquement ? A écouter les urologues, elle aurait l’âge de ses artères, c’est-à-dire, celui des résistances passives et des espoirs déçus. Au quotidien, en vérité, les seuls « andropausés » à se reconnaître dans ce tableau d’assistance médicale à la préretraite sentimentale ont en effet une santé sinistrée... et une vie libertine bien apaisée.
Chez un homme en bonne santé, la cinquantaine est certes un palier remarquable du vieillissement, mais qui ne justifie pas la mobilisation d’outils cliniques aussi tatillons que ceux qui questionnent les femmes ménopausées, et auquel toutes les joies de l’existence n’ont pas encore à être comptées.
L’andropause est donc à cet égard une entreprise collective de démoralisation, contre laquelle il faut enseigner les moyens de prendre le large...
En pratique, cependant, le désir d’aider autrui à sortir de cet enfermement plus symbolique que lésionnel, se heurte à un manque de moyens et de méthode. Certes, les sujets les plus éduqués et nantis ont accès aujourd’hui à des équipements de maintien de la « forme physique », des structures paramédicales de contrôle du poids et du stress, par exemple, ou encore des informations qui tentent d’inspirer un minimum de contrôle de leur « hygiène de vie »... Sur le plan « moral » et psychologique, en revanche, il n’existe aucun protocole des entretiens de médecine générale qui mettent nos interlocuteurs en état d’en découvre de nouveau avec leurs appétits et leurs projets.
Mon hypothèse, au comble de l’impertinence, est la suivante : puisque l’homme de 50 ans fait l’objet d’un chantage disciplinaire, le plus souvent abusif, faisons passer l’encouragement des moins hostiles à l’idée d’exister encore - et de prolonger leur « vie génitale », pour reprendre cette expression inouïe à propos des femmes - en prescrivant... l’usage des sept péchés capitaux ! Le refus de se déclarer en faillite de joie de vivre va donc passer par la désobéissance...
Mais je dois déclarer en toute franchise que cette idée n’est pas personnelle, puisque c’est l’histoire de l’Art qui me l’a inspirée, et à qui je l’emprunte : de Holbein ( 1497-1543 ) peignant « Erasme écrivant » aux autoportraits de Rembrandt ( 1606-1669 ), de Van Dyck ( 1599-1641 ) flattant les goûts de luxe de Charles I°, roi d’Angleterre, à Ingres ( 1780-1867 ) qui permet de plonger le regard dans la périlleuse volupté de ses modèles... des chefs-d'œuvre expriment en effet, avec une force magnifiquement persuasive à l’intention de leur mécène, une volonté d’affirmation de soi à partir de l’usage des sept infractions capitales.
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L'orgueil

magistralement illustré dans le portrait du Pape Léon X, entouré de deux Cardinaux, par l’expressionnisme tragique de Raphaël (1483-1520).
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La paresse

envahit la figure boute-en-train du « gentilhomme » de Watteau (1684-1721), comme pour signifier que l’oisiveté est à cet âge le comble du raffinement.
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L'envie

racontée dans cette « Vénus et l’amour » de Sustris (1515-1568).
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L'avarice

est déjà, à l’évidence, pour Quentin Metsys (1465-1530) dans « le prêteur et sa femme » un médiateur aussi injuste qu’efficace des liens conjugaux.
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la gourmandise

du portrait de « Louis-François Bertin » assis, qu’Ingres peint en 1832, « crève l’écran » dans l’opulence de la silhouette - traitée en noir pour en accentuer l’invincibilité ? - et le contentement de soi des traits du visage ;
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la colère

est très présente dans le profil du portrait de Frédéric de Montefeltro peint par Piero della Francesca (1410-1492), comme s’il s’agit du trait de caractère dominant qu’il faille révéler du personnage à lui-même. Enfin, nul ne résiste évidemment à la luxure qu’Ingres fait éclabousser dans son « bain turc » de 1862 ! Oui, l’Art s’est emparé à sa manière, et depuis bien longtemps, des mêmes angoisses, et des mêmes pulsions de vie des hommes qui parviennent tant bien que mal à l’acmé de l’existence. Magnifiant la force de résister à l’oubli et à la solitude en jouissant de la vie avec un égoïsme qui fait injure à la jeunesse, mais tant pis, à chacun son tour... puisque cela fait si longtemps qu’il en est question.
Il y a dans chaque « andropause » un péché qui sommeille ; tant que la morale n’en réprouve pas l’usage abusif, c’est de sa prescription dont peut dépendre l’éveil d’une seconde étape de vie, sans peur et sans reproches.

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