Qu'est-ce qu'une éjaculation "éjaculation médicalement assistée" ?
La prise en charge des patients consultant pour "éjaculation prématurée" doit se dérouler en trois étapes : l'approbation du diagnostic, la recherche de l'organicité et l'aide à la deshabituation.
L'approbation du diagnostic s'appuie naturellement sur les données de l'interrogatoire, mais elle relève désormais de deux conceptions contradictoires. Pour certains auteurs en effet, il est licite de valider immédiatement l'autodiagnostic des patients dès lors qu'ils expriment une souffrance tenant à la précarité de leurs performances. Le symptôme-cible est précisément cet énoncé, que cette plainte soit conforme ou non à des critères cliniques rigoureux. Pour "charitable" qu'il soit, un tel amalgame de toutes les histoires liées à la durée du coït, crée la confusion des dénominations et peut expliquer l'irrégularité des résultats thérapeutiques. A l'opposé, une plus grande rigueur diagnostique réfute si besoin est l'avis des patients et permet une reformulation de la demande. En somme, stricto sensu, n'est plus qualifiée de "prématurée" qu'une éjaculation survenant en moins de 10' de coït dans les conditions de fréquence des rapports et de chronicité du handicap rappelées plus haut. Neuf fois sur dix dans ces cas précis, l'intitulé de la plainte sort du cadre de l'éjaculation précoce, pour investir en réalité le chapitre des "mésententes conjugales". Au total donc, toutes les éjaculations rapides ne sont pas à approuver sans vérifier que l'intéressé a une vie privée assidue et opiniâtre.
Après confirmation du diagnostic d'"incontinence éjaculatoire" suit l'étape, généralement facile à proposer au patient, de vérification d'absence d'organicité ; un raccourcissement du rein, un phimosis, des adhérences ou une inflammation préputiales, peuvent faire office d'"épine irritative" et provoquer un tel surcroît de sensations que la vitesse d'enchaînement des réflexes s'en trouve accélérée en permanence. Cette enquête s'appuie sur le seul examen clinique. Mention spéciale doit être faite à la recherche également de l'effet iatrogène de prescriptions médicamenteuses capables de contaminer l'organisation réflexe en question ; en pratique quotidienne il s'agit essentiellement de drogues sympathomimétiques stimulant les récepteurs alpha, et par conséquent précipitant parfois l'éjaculation. En dehors des indications d'urgence face à une hypotension par exemple, les drogues peuvent être absorbées au long cours, dans le cas de l'asthme (produits à base d'éphédrine) ou d'affections rhino-pharyngées diverses (produits à base de phénylephrine), mais aussi Parlodel, Dopamine, Denoral, Rinurel, Rinutran...
La démarche thérapeutique proprement dite comporte ainsi trois volets visant à "conquérir" une augmentation du "temps de latence" au déclenchement de l'éjaculation : un volet cognitif, un protocole comportemental, enfin un volet pharmacologique. Elle n’est engagée que face au couple : cette approche plus didactique que thérapeutique est une assistance du couple, et n’est rigoureusement pas envisageable en face à face avec le seul « plaignant » comme l’inspirent encore les pratiques habituelles !
En premier lieu, l'information des intéressés sur un plan purement instructif requiert une attention toute spéciale du praticien, surtout s'il s'agit de récuser leur diagnostic initial, ou encore face à un célibataire isolé et timide s'il devient irremplaçable d'évoquer la nécessité de rompre avant tout avec sa solitude avant d'accepter de médicaliser sa demande. Le rappel des normes physiologiques est souvent capable à lui seul d'ébranler l'angoisse de performance de nombreux patients, apprenant ainsi que le contrôle auquel ils aspirent n'est ni naturel, ni automatique... A ce stade, l'entretien est donc dominé par des questions arithmétiques : ce sont les chiffres du désordre amoureux qui permettent de distinguer les faux diagnostics positifs - âge, nombre de rapports, durée moyenne, ancienneté du handicap... - mais aussi de tracer le parcours d'une reconversion des habitudes. Indépendamment en effet des entraves liées à la personnalité des patients (introvertis ou coléreux, soumis ou inquiets...) qu'aucune psychothérapie ne peut espérer modifier, et des aléas d'une vie de couple souvent conflictuelle, en tous cas sinistrée, il faut bien insister sur la nécessité de devoir modifier les "anomalies" de l'organisation de la vie intime. Or, c'est ici que trébuchent la plupart des ambitions curatives, car il faut bien être deux pour décider d'avoir "plus de rapports" et d'y consacrer plus d'application ; l'irréversibilité du désinvestissement de la partenaire - qui entre déjà massivement dans le bilan étiologique en question - conditionne le pronostic et, pour preuve, il n'est pas exagéré d'estimer qu'un tiers des cas "traités" vont récidiver dans les deux à trois ans qui suivent.
Les injonctions comportementales s'inscrivent donc trop souvent dans un climat de grande insécurité relationnelle. Il faut bien pourtant recentrer la prise en charge sur la question-clé du déconditionnement réflexe. Or, tous les protocoles de thérapie comportementale, qu'il s'agisse de formes diverses de "relaxation" ou de manœuvres masturbatoires , visent simultanément ici deux objectifs apparemment opposés :
d'une part, désensibiliser en désérotisant le coït
d'autre part, aiguiser l'aptitude du couple à repérer l'ascension des phases perceptives cruciales qui aboutissent irrésistiblement à l'éjaculation.
Cela revient à demander aux patients d'apprendre à moins sentir, tout en s'habituant à ressentir plus encore ! De tels efforts ne sont pas accessibles à tous les couples, car cette rééducation coïtale peut être longue et implique une persévérance exemplaire des motivations et de l’attachement.
Ainsi, dans les cas plus complexes, où sévissent plusieurs facteurs de risques de dysfonctionnement relationnel et où transitent de nombreux motifs de conflit ou d'isolement, il est plausible de décider l'ajournement de la prise en charge purement sexothérapique. Le symptôme "dyséjaculatoire" imbriqué dans une constellation pathogène plurifactorielle va donc être relégué provisoirement au second plan : c'est ici que s'intercale par exemple, une phase de soutien psychologique, un traitement antidépresseur, que l'on soulève la question de la contraception, que l'on discute l'inventaire des "bénéfices secondaires" ou des motifs de dispute de tous ordres, professionnels, familiaux, parentaux… rdres, professionnels, familiaux, parentaux…
Or, les résistances des patients à soulever ces questions, à remettre en chantier des choix d'existence figés par l'habitude, freinent la globalisation de la prise en charge. Le principal obstacle est évidemment l'attente obstinée d'une prescription médicamenteuse. Cette idée reçue est omniprésente. Pour le public, l'éjaculation "médicalement assistée" est avant tout une éjaculation modifiée par l'absorption médicamenteuse, plus rarement par l'usage d'anesthésiques locaux - de mauvais augure pour l'érection - ou de préservatifs. Deux handicaps majeurs viennent déjouer de telles présomptions : il n'existe, en tout premier lieu, aucun produit véritablement et spécifiquement actif sur l'éjaculation coïtale dénué d'effets secondaires ; ensuite, il est vain, on ne cesse de l'affirmer ici, de dissocier le "médicament" du "vécu érogène" du patient. Cela étant, les bases d'une aide à la deshabituation s'appuient sur des produits théoriquement impliqués dans la physiologie de l'éjaculation :
soit au niveau neurologique central en atteignant l'équilibre dopamine/sérotonine, en faveur de la sérotonine réputée pour son action frénatrice, tels des produits type Anafranil ou Floxytral
soit au niveau neuro-glandulaire périphérique, en intervenant sur les récepteurs
adrénergiques impliqués dans la physiologie réflexe prostatique. Si les drogues à effet "alpha-bloquants" peuvent en principe s'opposer à l'action du sympathique sur la phase "éjaculatoire" de l'éjaculation, en pratique, depuis nos toutes premières observations (Waynberg, 1982), il semble bien qu'aux doses usuelles par voie orale, la plupart des produits étudiés (Sermion, ou Xatral par exemple) ne peuvent pas faire seuls obstacle à l'empreinte des réflexes qu'ils sont sensés "déconditionner". Mais le principe reste logique : agir "en amont" sur la contractilité de la prostate et des canaux déférents, ralentissant ainsi le transport séminal dans l'urètre.